Tuesday, December 29, 2009

Qui sauvera le "Saigneur" des panneaux ?

WADE EN ROUE LIBRE

Semaine après semaine, après chacune de ses interventions face aux Sénégalais ou face à tout autre interlocuteur, comment ne pas voir en Abdoulaye Wade, un homme qui n’a jamais su ce qu’il pensait ? A présent, il ne sait même plus ce qu’il dit. Amath Dansokho a dit de lui, « qu’il signale à droite pour tourner à gauche ». Maître, en croyant rouler les gens, tombe dans les panneaux qu’il érige à force de ruse et de coups tordus.
Toujours prompt à adresser des reproches à ceux qui aspirent à goûter leur plaisir, Maître est impitoyable envers quiconque a le courage, le culot ou l’ambition de se hisser, jusqu’à la plénitude de son potentiel d’être humain, dans des domaines aussi variés que la politique, l’économie, les mathématiques et même la religion
Les êtres libres le gênent comme il n’est pas permis. Et plus particulièrement ceux qui estiment ne rien lui devoir. La presse de la semaine dernière a rapporté, que Maître, dans une pensée obscure, équivoque, biaisée et manipulatrice, se désole du manque de gratitude des Chrétiens, lui, qui leur a offert de « l’argent, non pas de l’Etat, mais de sa poche ». Il ignore sûrement que « la gratitude, comme le lait tourne à l’aigre, si le vase qui la contient n’est pas scrupuleusement propre ». Peut-être que ses poches…. Au fait, par delà les questions qui taraudent l’esprit quant à la fortune subite des Wade, il y a là comme un aveu qui mériterait au moins l’ouverture d’une information judiciaire ou tout au moins, d’une enquête. Comment quelqu’un si désargenté en 2000 qu’il n’a pu financer sa campagne électorale, faite à pied, sous forme de Marche bleue à travers le pays est-il devenu tellement riche en quelques années de pouvoir ? Jamais un président de la République du Sénégal n’avait ainsi osé confondre religion et pognon. A moins d’avoir la religion du pognon.
Le temps a prouvé la vanité et la vacuité de ses grandes cathédrales que sont les mesures promises et emballées dans un papier de soie pompeusement estampillé « wadisme ». S’attendait-il que les Chrétiens lui récitent un Pater Noster du genre : « Notre Wade, qui avez les clefs du Paradis, que votre nom soit sanctifié, que votre règne soit à vie, que toutes vos volontés soient faites, au Sénégal, dans le monde, comme aux Cieux. Donnez-nous notre pain de tous les jours. Pardonnez-nous de vous avoir offensé en ne vous disant pas merci…. ». Il y aurait au moins dans cette prière quelque chose de positif. Dans un « règne à vie », le titulaire disparaît toujours avant la fin de son mandat !
Mais au fond, à bien y réfléchir, Maître, ne s’essaie t-il pas à parachever de façon hélas fort logique, le désastre de son bilan. Tout se tient en effet. S’il s’attaque à présent, à l’harmonie religieuse du Sénégal, qui est l’une des clés de voûte de notre société et de notre Etat, c’est parce qu’elle est la dernière pièce qu’il lui restera à supprimer pour parachever son œuvre de destruction massive. Cette harmonie est probablement le mythe le plus fédérateur du Sénégal. La devise de notre pays, « Un peuple, un but, une foi », fonde sa légitimité et sa stabilité sur le respect de la diversité culturelle et cultuelle, dont les pièces, bien que distinctes, s’imbriquent dans un tout unifié, sous un Etat laïc et dans une République.
S’étant appliqué soigneusement à détruire ce qu’il y a de cohérence intellectuelle dans la République, héritier autoproclamé du président Senghor, et théoricien-praticien d’un despotisme éclairé, drapé du manteau d’ Empereur, titre décerné en dehors des limites territoriales, il ne déserte pas non plus le rôle de chef de clan. Après avoir pillé le château, il lui reste à jeter les clefs au ruisseau.
A aucun moment bien que les signes d’avertissement se multiplient, il ne tient compte de rien. Mais sait-il seulement voir et entendre ? Cédant à la seule continuité qu’on lui connaisse (l’entêtement) Maître persiste contre l’évidence. Il hisse le drapeau du « Sopi pour demain » au mât d’un rafiot qui prend eau de toute part. Toujours droit dans ses bottes, il n’a besoin de personne pour braquer le monde contre lui.
Les Imams du Sénégal ont eu leur lot d’injures et de mépris, eux que Maître n’a pas hésité à traiter d’ignares, ne comprenant rien à l’Islam, ni à sa statue, ni à sa stature, qui n’est pas loin de celle d’un dynaste frappé du complexe du Messie, après celui du Pape (du Sopi !).
Après avoir fait sortir de ses gonds la communauté omarienne, en cédant aux Chinois le Stade Assane Diouf, fait déménager la mosquée mouride de Niary Tally à Colobane, Maître a le front, au prix d’une nouvelle palinodie de déclarer que le prochain président de la République, se ferait élire à Touba, adoptant parfaitement la posture des nouveaux convertis. Ils en font toujours trop, dans leurs nouveaux masques qui font d’eux des autistes, dont le cœur peine à battre pour les autres, pour quiconque qui n’est pas eux, dans un faux dialogue qui en fait n’est qu’un monologue sans fin et à haute voix, avec eux-mêmes. Au point qu’on ne sait pas s’ils dissimulent une faille profonde ou une angoisse du néant.
Maître (coranique ?) est un des rares dirigeants de la planète, né avant la Deuxième Guerre mondiale. Si loin que l’on remonte dans son passé, rien de ce qui est la marque de fabrique d’un homme d’Etat majeur n’apparaît encore. Bien souvent, il a été un fabricant d’embrouillaminis. S’il a une philosophie, c’est son moi. Il se jette dessus, l’exerce et en jouit avec une vitalité puérile et un appétit hors normes. L’altitude prométhéenne qu’il se donne flatte la fonction, mais elle ne suffit pas à la remplir. Maître se pense président d’une République, non pas de citoyens mais de sujets. Tout se combine tout autour de son personnage. Wade est l’obsession de Wade. Wade pour Wade. Wade avec Wade. Wade face à Wade. Wade contre Wade. En un mot comme en mille, Wade, c’est Wade rek !
La relation avec son fils Karim qu’il veut nous imposer en est la preuve et l’illustration se reflète dans l’attribution de son ministère au nom à rallonge. Leur lien familial est devenu leur faiblesse publique. Quand Wade« réfléchit » avec son fils, c’est aussi à Abdoulaye qu’il s’adresse –Abou pour Vivi- Ils ne se rendent même pas compte que nous en sommes à bout. Il ferme le cercle génétique de sa réflexion dans un tête-à-tête avec lui-même, la chair de sa chair, le sang de son sang.
Le « wadisme » se résume à une course haletante faite de sprints et de coups de pompe vers le ruban présidentiel. Dans cette boulimie de « remuement », il est un homme de coups et d’à-coups. Il a fait croire, pendant toute sa période d’opposant, après avoir eu une « vibration » socialiste, qu’il avait un fond républicain et démocrate. S’il l’était vraiment, sans doute se serait-il élevé. Mais il aurait fallu pour cela qu’il se pose. Or, à ses yeux et dans son formatage, se poser, c’est prendre la pose. Il n’a pas pu ou su traverser l’époque. Il erre sur les flots.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’invite qu’il a adressée à Barack Obama et Nicolas Sarkozy, à grimper respectivement sur la Statue de la Liberté et la Tour Eiffel, le jour de l’inauguration du Monument de la Renaissance Africaine, dans le but d’y tenir une vidéoconférence à trois. Maître ne regarde que le sommet et ne se préoccupe pas des abîmes qui le menacent. Devenu désenchanteur, il crée des flammes qu’il ne sait pas entretenir. Il a séduit. Il ne rassemble plus. Belle âme de conquistador. Figure floue d’homme d’Etat. Comme l’illustre cette aubade inspirée par sa dernière pantalonnade à propos de son monument.
Maître Wade sur une Mamelle perché,
Tenait en sa main un micro
Son ego hypertrophié
Lui fit tenir à peu près ce langage
« Eh Barack et Nicolas, que vous êtes beaux
Que vous êtes puissants !
Tout comme moi
Vos ramages se rapportant à vos plumages
Hissez-vous donc au sommet
De la Statue de la Liberté et de la Tour Eiffel
Et soyez avec moi, les Phénix de mes hôtes
A ces mots, Barack et Nicolas, n’éprouvant aucune joie
Lui tinrent à peu près ce langage
« Eh, Monsieur du « Sopi pour demain »
Y aura-t-il de l’électricité ?
Ne voyez-vous pas que vous êtes assis sur un volcan ?
Et Maître, se détournant d’eux, jura mais un peu tard
Qu’il aurait pu inviter Kim Jong Il.
Kim Jong Il ? Le président nord-coréen, fils de son père à qui il a succédé et père de son fils qui va lui succéder. Lui dont les sujets nous ont donné pour la prosternation cette œuvre monumentale sur l’une des deux Mamelles de Dakar. Belle illustration du courant artistique sculptural. Doux euphémisme d’un réalisme socialiste. Pour notre Empereur libéral, c’est toujours les mêmes histoires que l’Histoire ne risque même pas de retenir, sauf à en laisser l’apanage aux rieurs de demain. Puisqu’aujourd’hui, personne n’a envie de rire d’un tel personnage tragique. Rideaux !

Henriette Niang-Kande

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